Danse-Lycée-Scénario lutte contre toutes formes de discrimination-Viviane CIRILLO

De Conservatoire EPS



Viviane CIRILLO - Lycée SAINT CHARLES - Marseille - Année 2019


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« La transmission des valeurs de la République parmi lesquelles la laïcité, est une des missions prioritaires de l’Ecole, s’entrevoit à l’aune d’un quotidien et d’une permanence de paroles, de gestes inscrits et d’attitudes suivant la loi d’orientation du 8 juillet 2013 dans le « respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité ».

LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

Ainsi, parmi ses missions d’enseignement, l’enseignant d’EPS doit privilégier la transmission des valeurs de la république dans un « partage ensemble » d’expériences sensibles à travers des projets expérimentaux. Les parcours comme celui « Citoyen » sont autant de processus d’appropriation d’un « vivre ensemble » privilégiant l’interaction de plusieurs domaines d’enseignement.


La transmission aux élèves du sens et des valeurs de la laïcité au sein de l’Ecole, est une condition de leur aptitude future à assumer une citoyenneté consciente et active. Dans cette perspective, lutter contre toutes formes de discrimination par un dialogue étroit avec les corps permettra de viser l’appropriation d’un des grands principes de la laïcité situé au carrefour du bien vivre, du partage et de l’accomplissement de la personnalité de chacun.


Deux axes de travail tout au long de l’année ont permis à plusieurs niveaux de classe de répondre à notre fil rouge : « la lutte contre toutes formes de discrimination ».


Dansun 1er temps, l’intention de questionner le verbe « Résister » a dirigé la pensée vers la problématique d’une utilisation pernicieuse des outils de propagande d’idées via des groupuscules, des gouvernements mis en place et visant la diffusion d’idéologies racistes, antisémites, xénophobes, homophobes…. L’histoire nous renseigne suffisamment à propos de ces phénomènes.


Le 2ème temps vise à questionner « Le vivre ensemble » à travers le respect et la richesse de la différence. Cette notion a pu être discutée à partir des contenus d’une exposition qui a eu lieu au MuCEM entre janvier et février 2017 : « Après Babel, traduire ». Ce support de travail peut s’étudier sans participer à la visite de cette exposition en s’intéressant aux articles de presse ou à son catalogue d’exposition. Interroger la pluralité des langues favorise le partage des cultures accueilli comme un trésor du « Vivre ensemble ».


L’opportunité d’entrer dans le champ de connaissances des principaux éléments de l’histoire de la laïcité en France et dans le monde, a été essentiel pour permettre de comprendre qu’en fonction des contextes politiques d’hier à aujourd’hui, l’écueil d’être confronté aux problèmes de discrimination est toujours possible. Il existe encore de nos jours des groupes ou des partis néo-nazi, comme « Aube doré », parti politique Grec d’extrême droite, qui peuvent menacer les droits et les valeurs de la démocratie comme il en avait été question en Allemagne sous le IIIème Reich.


Dans cet esprit, étudier le corps comme outil de propagande sous le IIIe Reich et s’interroger sur la façon dont chaque être humain peut et doit résister à l’engrenage contre les extrémismes, autorisera le futur citoyen à participer à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes formes de discrimination. Ce travail peut être amené par l’enseignant d’Histoire selon le programme relatif au niveau de classe concerné.


L’analyse diachronique d’œuvres d’artistes issus du courant expressionniste Allemand, internés au camp des Milles va favoriser une réflexion critique de certaines convictions de cette époque. L’étude par ailleurs des chefs de file de la danse expressionniste allemande examinera les différentes possibilités de résister aux engrenages des extrémismes. Les travaux artistiques du grand théoricien de la danse R. Von Laban et du gymnaste R. Bode, qui tous deux préconisaient un retour aux sources antiques Grecques pour s’accomplir par le geste de manière harmonieuse, ont été récupérés à leur insu et ont servi de propagande, glorifiant de fait un retour à la culture Hellénique. Laban chorégraphiera ainsi la cérémonie d’ouverture des JO de Berlin en 1936. Pris en otage dans cet engrenage malgré lui, R. Von Laban s’insurgera un peu plus tard et fuira l’Allemagne


1 èr pôle d’intention :

Sensibiliser les élèves à la lutte contre toutes formes de discrimination"

Analyse des contextes de l’émergence d’actes antisémite, raciste, xénophobe, homophobe…Le projet s’énonce comme un parti-pris artistique au service d'une survie démocratique par la parole sensible donnée à la jeunesse et par un travail d'appropriation des fondamentaux et valeurs humanistes.


La traversée d'un parcours thématique sur l'engrenage des extrémistes poussant à la discrimination, le rejet, l'antisémitisme, l'exclusion, la non-tolérance par aveuglement des mentalités, orientera les élèves vers une forte intention du geste inscrit dans une présence totale à la résistance afin de rendre hommage à toutes les personnes victimes de ces horribles actes survenus au Camp des Milles pendant cette période, et éviter une réécriture irréparable de l’histoire, d’aujourd’hui à l’aube du XXIe S.

Comment résister par la pratique artistique ?

Travail en appui sur l’histoire du Camp des Milles par l’étude de l’expressionnisme Allemand avec les peintres internés dans ce Camp.



Etude de l’histoire du Camp des Milles : Enjeux et créations

De concert avec l’enseignant d’Histoire- Géographie si possible, une analyse des créations artistiques des artistes internés aura pour déterminant les enjeux de création dans un contexte d’internement et de mort imminente. Comprendre, analyser, identifier, engagent les élèves dans une appropriation des éléments essentiels permettant d’expliquer le contexte tragique des années 1939 à 1942 au Camp des Milles.


Jeux d’acteurs « Complice ou résistant »

Etude des acteurs "complices par omission de résister" en Allemagne sous le 3ème Reich


Le thème choisi "Complice ou résistant" engage les élèves à réagir au processus de création dansée et à réfléchir sur les danses chorales employées par Rudolph Von Laban pour la chorégraphie des JO de Berlin en 1936, (outil de propagande éminent souhaité par le IIIème Reich).


L’analyse des enjeux du thème : « Complice ou résistant » s’est donc faite en amont de la visite du Camp à partir des artistes-chorégraphes pionniers de la danse d’expression en Allemagne, Rudolph Von Laban et Mary Wigman.


Le projet artistique est clairement lié à un cycle EPS en appui sur la pratique artistique « Danse ». Il s’agit de comprendre comment un art, une pratique physique ou gymnique peuvent servir d’outils de propagande comme cela a été le cas sous le 3ème Reich. La chorégraphie des JO de Berlin par Rudolf Von Laban et la propagande des corps par la pratique d’une Gymnastique mise au point par Rudolf Bode à cette même époque, montrent comment ce phénomène d’instrumentalisation a pu être possible.


En effet, la volonté du 3ème Reich de se servir de l'apologie du culte des corps par une volonté à un retour à l'antiquité Grecque et à la culture Hellénique a généré de la confusion dans les esprits du chorégraphe et théoricien R. V. Laban qui préconisait un retour aux sources et à l’antiquité Grecque privilégiant uniquement l’harmonie des corps et des sens avec la nature cosmique.


Ainsi la manœuvre savamment orchestrée par le 3ème Reich a induit de manière inconsciente une complicité duplice.


Nous venons de voir comment certains dirigeants du gouvernement du IIIème Reich vont s’emparer des principes issus de philosophies vitalistes pour leur croyance en la force régénératrice de l’homme par un retour à la nature. Ces principes sont les mêmes que ceux préconisés par des artistes tels que Laban, Wigman, mais également des philosophes comme Nietzsche, ainsi que des professionnels des métiers de l’entretien du corps comme R. Bode


Synopsis du cycle EPS en appui sur la pratique artistique « Danse ».

Les ateliers de pratique ont pour objectifs : « Lutter, résister, témoigner »"

  1. Il s’agira à partir d’une liste de mots, de verbes de permettre aux élèves d’entrer dans l’Ecriture de textes en lien avec les thématiques suivantes : discrimination, rejet, antisémitisme, exclusion, non-tolérance par aveuglement des mentalités.
  2. La mise en résonance corporelle des mots va se caractériser par des qualités dynamiques, des formes, des trajets en lien avec les verbes et adjectifs de leur texte.
  3. L’étape suivante va consister à fixer les modules de mouvements et les écrire selon des principes et des outils de composition. Les choisir par nécessité. Par exemple, la répétition, le Leitmotiv et la duplication seront très employés pour exprimer la lutte, la résistance et insister sur la violence à fuir, à éviter, à combattre…. Ce travail pratique et artistique va donner lieu à une «  Performance Dansée » à proximité de la voie de chemin de fer du Camp des Milles, aux abords du parking du Camp.
  4. Suite à ce travail d’appropriation des thématiques d’étude, les élèves se rendront au Camp des Milles afin de participer à une visite commentée et vivre un atelier sur le thème "complice ou résistant" avec un guide du Camp. La visite guidée et l’atelier menés par une personne chargée de communication se sont dessinés en fonction du thème « Complice ou résistant, créer pour résister ». Cette action peut s’envisager comme la finalité d’un cycle EPS « Danse ».
  5. Clôturer la sortie avec la performance en extérieur mais proche du Camp pour permettre aux lycéens de vivre par la chair l’acte de résistance. Une manière de rendre hommage à tous ces artistes internés. Il s’agit de participer à une expérimentation dansée en lien avec le projet qui permette de réagir aux outils de propagande utilisés sous le 3ème Reich : Les élèves pourront se questionner et s’interroger sur la manière de lutter et de résister par l’acte de création, en choisissant de réagir par opposition aux chorégraphies collectives de masses (danses chorales de Laban). En effet, le processus de création que les élèves auront vécu s’inscrit en contre puisque leur travail chorégraphique a une relation singulière et personnelle de leur corps et favorise l’appropriation des valeurs humanistes.

2 ème pôle d’intention :

Cette seconde phase s’adosse à l’exposition « Après Babel, traduire »

Etape de mutualisation des langages : Au-delà des mots, raconter, dire dans plusieurs langages les émotions du « vivre ensemble » et comprendre la langue de l’autre, d’un autre, est un enjeu de partage. L’étude des éléments essentiels de cette exposition en prenant appui sur le catalogue d’exposition ou les articles de presse, inscrit l’art comme un langage de partage.


L’art, un langage autonome
La finalité de cette action consiste à écrire avec les mots la charge affective d’un partage d’affects dans plusieurs langues et donner corps à ces mots par « le vivre ensemble » d’expériences pour une langue commune du geste.


Constituer une fiche en choisissant des mots en lien avec le thème de partage (par ex : ensemble, aimer, se parle, s’embrasser) et essayer de les traduire en 4 langues différentes en échangeant avec ses camarades. Nous sommes en présence souvent de mots anglais, espagnols, arabes, allemands, irlandais, italiens, vietnamiens…)


  1. Choisir 4 mots parmi tous ceux créer et les mettre en résonance gestuelle par la forme que suggère le son de ces mots et par la couleur que suggère leur dynamique.
  2. Choisir un geste issu du langage des signes prélevé sur la liste distribuée aux élèves, le faire et l’apprendre (En annexe voir la liste du langage des signes). Ce geste sera à « dupliquer » 3 fois dans la future création dansée.
  3. Dans un temps ultérieur, des consignes sont distribuées aux élèves en lien avec les éléments essentiels de cette exposition.
  4. Exprimer les consignes du document et y intégrer les trois duplications du geste issu du langage des signes.

Créer la partition de mouvement à 4 (2X 2 duos)


Il est intéressant de s’apercevoir qu’aucun des danseurs ne parlent la même langue et pourtant un langage commun émane de la création dansée commune. Une cohérence gestuelle est présente. Le langage des corps unifie, renseigne de l’empathie des sentiments et des émotions éprouvés ensemble.


Dernière étape

Une chorégraphie mettant en scène les deux pôles d’intention travaillés tout au long de ce parcours va faire l’objet d’un spectacle en fin d’année auquel seront invités les élèves, parents, enseignants, ...


Pour conclure

Donner la parole aux corps par une présence totale au geste et à la création de textes personnels que les élèves pourront mettre en perspective dans une performance dansée e à proximité du Camp des Milles, est un moyen de rendre acteur les élèves d’un avenir marqué de principes et de valeurs républicaines.


Partager avec les corps un langage commun par des mots issus de langues différentes permet un partage ensemble et invente un vivre ensemble.


Classe de Premières-Terminales (Lycée SAINT CHARLES - MARSEILLE) - Année : 2019


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