Discussion

Acrosport-Collège-N2-Code des figures dynamiques par renversement-Isabelle BERRIEN

De Conservatoire EPS

Lionel AMATTE - Lycée Paul LANGEVIN - Martigues - Année 2015


Isabelle BERRIEN - Collège Font d’Aurumy - Fuveau - Année 2015


1- Lionel Amatte à Isabelle Berrien :

Dans les propositions d’apprentissages sécuritaires vers l’arrière, tu indiques que c’est le voltigeur qui doit déclencher la rotation pour réaliser la rotation complète (en lançant les bras et diriger le regard vers le sol).

Dans le cadre de la construction d’un nouveau système de repères du couple, cette proposition s’oppose au principe de coordination des actions que doit construire le couple. J’ai d’ailleurs pour habitude de dire que c’est bien le porteur qui déclenche la rotation de manière préférentiel (création des rotations d’un point de vue mécanique) puisque le voltigeur est un « morceau de bois » et doit rester un morceau de bois (contenus liés aux ressources énergétiques mais aussi affectives et relationnelles).

Ces observations renvoient au dépassement de l’obstacle perceptivo moteur et donc la construction d’une coordination du couple. Quel est ton point de vue ?


2- Isabelle Berrien à Lionel Amatte :

J’ai une précision à te demander : quand tu parles de la construction d’une coordination de couple , c’est bien du couple : Voltigeur /porteurs ?


3- Lionel Amatte à Isabelle Berrien

Effectivement, il s’agit de la coordination du couple Porteur/voltigeur. La question sous jacente est bien les opérations à réaliser pour construire une coordination d’action collective au service de la rotation du voltigeur. La compétence de porteur, de mon point de vue… et à discuter, ne se résume pas à l’action de porter, mais bien aussi à celle de créer des rotations tout en assurant la sécurité du voltigeur. C’est en faite passer du statut de porteur à sa fonction qui s’articule entre sécurité active et actions motrices efficaces.


4- Isabelle Berrien à Lionel Amatte

Les vidéos du conservatoire proposent des figures dynamiques par renversements progressifs. Lors de ces figures le statut des porteurs et du voltigeur va évoluer. Ainsi les Porteurs vont passer du statut de manipulateur (créateur de rotation et soutient du CG du Voltigeur) à celui d’accompagnateur du renversement du Voltigeur ; le Voltigeur va pour sa part passer de « manipulé » mais pas passif (corps « bâton » comme tu le dis : tonique aligné) à créateur « acteur » du renversement. Ainsi le statut et les actions de chacun vont évoluer progressivement…

Ta question concerne le renversement arrière par lequel j’ai choisi de commencer car il peut se réaliser en 2 étapes (comme vers l’avant) Par rapport à ta question sur le fait que ce soit le V qui déclenche et qui décide du moment du renversement arrière (étape 2) en « en lançant les bras et diriger le regard vers le sol » plusieurs raisons ont amené ce choix : affectives , sécuritaires, biomécaniques, informationnelles….(toutes liées les unes aux autres) :

  • Une raison affective : en effet l’espace arrière est plus difficile à appréhender pour le V car il a peur d’un espace qu’il ne voit pas ! cette crainte entraine la plupart du temps un réflexe contraire à l’efficacité du renversement : l’élève va vouloir s’accrocher aux porteurs et va maintenir sa tête en flexion pour ne pas quitter le sol des yeux …Donc guider les actions du V en lui donner le pouvoir de déclencher la fin du renversement en lui demandant de lancer les bras et de diriger le regard vers le sol va le mettre en situation de réussite et va donner de l’importance à ces contenus qui vont conditionner l’efficacité de la réalisation. Voir le sol arriver va permettre de le rassurer, il connait le repère qu’il doit aller chercher…
  •  Une raison décisionnelle liée à l’affectif : le fait de donner le signal déclencheur au Voltigeur va obliger les Porteurs à se renseigner sur le V (coordination non verbale) et permettre au V de ne pas subir le renversement mais au contraire choisir à quel moment il se sent prêt à se renverser.
  •  Une raison sécuritaire, biomécanique : il m’est arrivé d’intervenir pour stopper des renversements auprès des élèves car les porteurs agissaient sans que le V soit dans de bonnes conditions pour arriver au sol (tête rentrée, bras en fermeture). Cette situation est dangereuse : le V peut chuter sur la nuque car n’ayant pas les bras et la tête en extension il ne peut voir le sol arriver et au contact avec le sol va se mettre en boule…

  La construction de l’espace arrière étant plus dangereuse et surtout vécue avec plus d’appréhension par les élèves, il m’a semblé nécessaire pour toutes ces raisons de différencier la coordination du couple P / V . Ma proposition ne s’oppose pas au principe de coordination des actions que doit construire le couple, elle est simplement différenciée selon le type de renversement (arrière ou avant). Ce code particulier permet aussi à l’enseignant d’être plus serein au niveau de la gestion de la sécurité des élèves. J’espère avoir répondu à ta question. Peut-être que d’autres justifications viendront s’ajouter ou que tes autres questions feront évoluer cette proposition...


5- Lionel Amatte à Isabelle Berrien

J’entends bien les propositions argumentaires cependant… Si l’on reprend les images de cette étape, le couple est à l’arrêt (ici le trio = couple de porteurs et voltigeur).

  •  Or d’un point de vue mécanique on crée une rotation dans cet axe par le bas du corps, avec donc l’action des porteurs puisque le voltigeur n’a pas d’appuis solides sur lesquels il peut agir. Imaginons par exemple que les deux porteurs ne relèvent pas les bras arrières… le voltigeur ne peut pas tourner.
  • D’un point de vue sécuritaire et affectif, je demande aux élèves quant à moi de positionner les bras dès le début dans l’alignement du corps, pour qu’à la pose des mains du voltigeur, les porteurs aient un repère d’alignement des épaules sur les mains afin d’éviter l’écrasement. Là encore, c’est bien les porteurs qui doivent effectuer le transfert du poids du corps à la verticale des appuis et non le voltigeur car il n’a pas d’appuis pour passer du demi renversement au renversement complet. Le voltigeur se centrera quant à lui sur l’efficacité de l’action d’antépulsion pour garder cette ouverture complète.
  •  D’autre part on ne peut pas « se sentir prêt à se renverser » au milieu de la rotation, c’est bien dès le début que l’aspect décisionnelle doit être enclenché, sinon il y a danger. Par expérience, c’est le plus souvent quant le voltigeur était dans cette posture d’arrêt que les attitudes de sauvegarde survenaient (attraper les bras des porteurs).
  • D’ailleurs pour éviter l’écrasement, il faut également de la vitesse de rotation car s’il y a diminution de cette vitesse cinétique, le passage à la verticale sera trop long et donc source d’écrasement (ressources à résister à son poids du corps).
  • Se pose ici également la question de la méthode ou « part-méthode » plutôt. Je veux dire par là que lorsque l’on décompose un mouvement par des actions, l’on risque de construire des repères qu’il s’agira de déconstruire lorsqu’il faudra reconstruire de nouvelles coordinations, en l’occurrence celles du couple.

Autrement dit les étapes de la synchronisation d’actions doivent être considérées dès le début dans un processus global.

Dernier argument d’importance. L’élève débutant en position de renversement n’a pas conscience des mouvements des ses segments (cf les travaux de MF Carnus). La construction de nouveaux repères peut être caractérisée par un double processus synchronique :

  • D’abord une sélection progressive des informations utiles à la production du geste et à son contrôle
  • Et ensuite une inversion de la dominance d’une catégorie : les informations intéroceptives prennent le pas sur les informations visuelles.

Il s’agit ainsi de considérer qu’il s’agit d’abord de construire les repères liés à la production de la rotation, donc à l’intégration des repères issus de l’action des porteurs.


6- Isabelle Berrien à Lionel Amatte

C’est peut-être mal explicité sur la vidéo mais l’extension des bras et de la tête du V servent de signal et pas de création de rotation, ceux sont bien les P qui amènent le V au sol pour passer du demi au renversement complet du V.

  • Dans les renversements suivants, je demande comme toi au V de partir avec les bras dans l’alignement dès le départ car le renversement se fait en continuité, il n’y a pas d’arrêt. Dans le cas qui nous concerne la première étape permet de construire la confiance nécessaire au V envers ses P, de faire déjà vivre l’engagement dans l’espace arrière et enfin de vérifier que les nombreuses consignes sur les positions de départ et actions des P et Aide sont acquises. Le fait de garder dans cette première étape les bras le long du corps permet d’éviter que le voltigeur ne s’accroche aux P avec ses bras (reflexe /peur). De plus le signal qui va déclencher la deuxième étape par les bras est plus visible pour les P me semble-t-il…
  • Pour moi le découpage en deux étapes est très important car il permet de construire la confiance progressive et de construire un code de communication « physique » « postural » garantissant la sécurité des élèves.
  • C’est vrai que suite à l’arrêt il est plus difficile de recréer la rotation c’est pour cela aussi que je place l’aide devant le V. L’action des Porteurs dans cette deuxième phase est primordiale pour éviter l’écrasement du V ; Le fait de séparer les deux étapes permet de rajouter progressivement les actions différentes des P sur le V. Le nombre de consignes est tellement important que c’est aussi pour cela que je choisis de faire le premier renversement en deux étapes en arrière et en avant. Le renversement « global » suit assez rapidement et je suis d’accord pour dire que lorsque le V réalise le renversement complet il doit partir bras aux oreilles.
  • Sur le dernier point il me semble que la manipulation qui rend la réalisation plus lente (notamment avec les deux étapes) facilite la construction de repères intéroceptifs mais je n’ai pas la référence !